Crédit photo : Loïc Bartolini.
Théodora est comédienne et danseuse, enfin seulement comédienne puisque chaque individu se doit d’avoir un rôle bien défini dans la société, afin de le ranger dans des cases sans semer la confusion. Théodora possède une mystérieuse faculté, la capacité de ressentir le malheur des autres, lui permettant de prévoir des catastrophes. Sa carrière prend un tournant le jour où elle décroche le rôle de Cassandra dans une série populaire du nom de « Troys Corp », la propulsant sur le devant de la scène. Malgré elle, Théodora ou plutôt son personnage de Cassandra devient la favorite aux élections présidentielles. Après une longue hésitation, elle décide d’entrer en campagne, déterminée à user de son pouvoir pour tenter d’améliorer la société. La pièce est une réinterprétation du mythe de Cassandre, possédant un don de prophétie mais condamnée par Apollon à ne jamais être crue pour s’être refusée à lui. C’est une pièce brillante, une critique acerbe des multiples travers de notre société contemporaine.
Elle parle du rapport à notre image, du pouvoir de la célébrité, du divertissement prenant le pas sur la politique où l’on préfère un personnage plutôt que ses idées ou encore de notre incapacité à agir dans une société où tout semble s’effondrer autour de nous. Terriblement réaliste, ce spectacle effectue parfaitement la balance en alliant un humour qui fait toujours mouche entrecoupé de quelques gracieux pas de danse qui ne manqueront pas d’éblouir les spectateurs. La performance de Manon Balthazard est excellente, alternant parfaitement entre son rôle de Théodora volontairement peu affirmée et assez effacée, censé représenter la réalité, s’entrechoquant avec celui de Cassandra, l’héroïne d’un soap-opéra arborant un tailleur aux couleurs criardes et dotée d’un caractère affirmé, exagérément surjoué. La frontière entre la fiction et la réalité s’estompe peu à peu, au fur et à mesure que Théodora se rend compte de son impuissance, brouillant la frontière entre son personnage et elle. C’est une pièce de théâtre qui parle de notre époque et dont les situations feront sûrement écho à chacun de nous comme une scène au Pôle Emploi, une interview sur un plateau de journal télévisé ou un referendum au résultat désolant. L’ambiance sonore et les jeux de lumière sont parfaitement gérés, particulièrement dans les moments où le pouvoir de Théodora se manifeste brusquement, sans crier gare, sous forme de flashs. Enfin, la mise en scène astucieuse réserve de nombreuses surprises aux spectateurs.
Retrouvez Cassandra du 29 juin au 21 juillet (relâche les 4, 10 et 16 juillet) au Théâtre Pixel Avignon à 12h20.
D’après l'oeuvre de Rodolphe Corrion, adaptation et jeu de Manon Balthazard et mise en scène de Loïc Bartolini.
Durée : 1h15.
Pierre Freudendal